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Action en garantie des vices cachés : nature du délai et limites temporelles fixés

Civil - Procédure civile et voies d'exécution, Contrat
25/07/2023
Une personne qui découvre le défaut du bien qui lui a été vendu dispose de deux ans pour engager une action en garantie des vices cachés. Ce délai, qui est un délai de prescription, peut être suspendu lorsqu’une mesure d’expertise a été ordonnée. L’action doit par ailleurs être engagée dans un délai butoir de vingt ans à compter de la vente du bien. Par quatre arrêts du même jour, la chambre mixte de la Cour de cassation met fin à plusieurs années de controverse et se positionne clairement dans un souci de « sécurité juridique ». 
La solution ne pouvait être plus attendue. Quatre pourvois, quatre occasions de marquer le coup.

Les faits étaient sensiblement les mêmes : une vente, un vice caché et toujours les mêmes interrogations :
1) Nature du délai de l’action en garantie (prescription ou forclusion ?) ;
2) Existence et durée d’un délai butoir ?
Autant de questions auxquelles il est décidé de répondre au nom de la sécurité juridique.
 
  • Question n°1 : Quelle est la nature du délai de l’action en garantie des vices cachés ?
Reconnaissant volontiers ses propres hésitations (« la Cour de cassation l'a parfois qualifié de délai de forclusion (3e Civ., 10 novembre 2016, pourvoi n° 15-24.289 ; 3e Civ., 5 janvier 2022, pourvoi n° 20-22.670), parfois de délai de prescription (1re Civ., 5 février 2020, pourvoi n° 18-24.365 ; 1re Civ., 25 novembre 2020, pourvoi n° 19-10.824 ; 1re Civ., 20 octobre 2021, pourvoi n° 20-15.070 ; Com., 28 juin 2017, pourvoi n° 15-29.013 »), la Cour est contrainte de rechercher la ratio legis pour mettre fin aux tergiversations : « l'objectif poursuivi par le législateur étant de permettre à tout acheteur, consommateur ou non, de bénéficier d'une réparation en nature, d'une diminution du prix ou de sa restitution lorsque la chose est affectée d'un vice caché, l'acheteur doit être en mesure d'agir contre le vendeur dans un délai susceptible d'interruption et de suspension (...) L'ensemble de ces considérations conduit la Cour à juger que le délai biennal prévu à l'article 1648, alinéa 1er, du code civil est un délai de prescription ».

S’il s’agit d’un délai de prescription et non de forclusion, alors il est susceptible d’être suspendu, comme en l’espèce à l’occasion d’une mesure d’expertise, et ce conformément à l’article 2239 du Code civil.
 
  • Question n°2 : Existe-t-il un délai butoir pour l’exercer ? Si oui, de quelle durée ?
Après un rappel utile sur les conséquences de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, la chambre mixte opte en faveur du délai de droit commun, prévu à l’article 2232 du Code civil. L’action devra désormais être exercée dans un délai maximal de vingt ans suivant la vente : « cette action doit être formée dans le délai de deux ans à compter de la découverte du vice ou, en matière d'action récursoire, à compter de l'assignation, sans pouvoir dépasser le délai-butoir de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit, lequel est, en matière de garantie des vices cachés, le jour de la vente conclue par la partie recherchée en garantie ».

L’équilibre est respecté : d’un côté, la protection des droits des consommateurs, qui ne doivent pas perdre leur droit d’agir lorsqu’ils découvrent tardivement un vice caché et de l’autre, les impératifs de la vie économique, qui imposent que l’on ne puisse rechercher indéfiniment la garantie d’un vendeur ou d’un fabricant.

On notera que la Cour de cassation apporte la même solution :
- qu’il s’agisse d’une vente simple ou intégrée dans une chaîne de contrats ;
- quelle que soit la nature du bien.

Morale de l’histoire : l’acheteur à qui le vice avait été caché, durant ces vingt dernières années, se trouva fort dépourvu, quand la prescription fut venue.
Source : Actualités du droit